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Psycho-social

Publié le 17 juin 2012Lecture 5 min

Les enfants de l’amour !

P. BRENOT, Directeur des enseignements de sexologie et sexualité humaine à l’université Paris-Descartes
Tout le monde sait que les enfants sont des preuves d’amour. Combien de couples font des enfants pour concrétiser leur lien amoureux et leur témoignent ensuite un total dévouement pour la vie. Les enfants sont ainsi des preuves d’amour, mais paradoxalement, ils se dressent souvent dans le couple comme des obstacles à l’amour.
« Tout s’est bloqué il y a un mois », me dit Élizabeth « c’était en Bretagne, la première fois que nous étions en vacances chez lui, avec ses enfants et les miens. Il a voulu faire l’amour, mais cela m’a été impossible, j’étais bloquée, j’ai mis longtemps à comprendre. En fait, nous étions dans son lit conjugal et, en bas, il y avait ses enfants et les miens. J’ai été bloquée par leur présence et depuis, rien n’est possible. » Thierry et Élizabeth se sont rencontrés récemment et sont tout de suite devenus des amants. Il est vrai qu’ils sortent tous deux d’une longue union décevante, d’où la sexualité avait depuis longtemps disparu. Il leur a d’abord fallu reconnaître que leur relation intense était la marque d’un amour plus profond qu’ils ne l’avaient pensé. Tout a été ensuite très vite. Thierry a voulu présenter ses enfants à Élizabeth qui, bien que plus réticente, a accepté, jusqu’à ce fameux « week-end en Bretagne » où tout a capoté. Élizabeth comprend maintenant pourquoi : « Qu’il ait pensé que je puisse faire l’amour dans sa maison avec nos enfants en bas, en sachant qu’ils pouvaient monter, et que le plus petit pouvait entrer dans la chambre et nous surprendre… ça m’a paralysée. Je ne sais pas l’expliquer mais depuis il ne peut plus m’approcher. » Élizabeth réagit comme un animal apeuré car la blessure est plus profonde qu’il n’y paraît : « Et, qu’il n’ait pas compris ça, je l’ai ressenti comme un viol, viol de ma personne, de ma pudeur, et ça m’a totalement bloquée. On est resté tout le week-end et il a insisté pendant deux jours. Il ne comprend rien, je le trouve trop pressant. » La mère et la femme Traditionnellement les deux fonctions étaient séparées : la fonction de reproduction à l’épouse, porteuse de la lignée, la sexualité à la femme, amie, maîtresse, putain, dont c’était la fonction. Avec l’évolution de la société et la libération des moeurs, l’épouse, la compagne, assume aujourd’hui les deux rôles mais parfois non sans difficulté. Il faut en effet avoir été préparée à ces deux fonctions quand elles ne sont pas antinomiques. On pourrait en dire tout autant des hommes qui, s’ils n’ont que rarement des difficultés sur le plan sexuel, ne sont pas toujours prêts à la fonction paternelle ! Pour une femme, la question est toute autre. Comment être à la fois disponible en tant que femme et en tant que mère, surtout dans le même temps ? La fonction maternelle requiert attention, vigilance, intérêt, voire préoccupation, toutes attitudes qui sont en général antinomiques avec la disponibilité que nécessite la libre sexualité féminine. Ce qui est possible sous deux conditions : que cette femme ait été mature sexuellement avant d’avoir un enfant ; que l’homme, son partenaire, soit très accompagnant en ayant bien conscience de la difficulté pour une femme d’être mère et femme à la fois. Ce n’est, malheureusement, pas très fréquent.Nous nous ressemblons, hommes et femmes, et pourtant nous sommes très différents — anatomiquement, bien sûr, mais psychologiquement aussi — notre monde intérieur, nos représentations intimes sont parfois à des années- lumière l’un de l’autre ! En ce qui concerne la sexualité, nous savons qu’il existe une part incommunicable, celle du vécu personnel de la sexualité. Jamais un homme ne saura ce que désirer ou jouir veut dire pour une femme ; jamais une femme ne pourra vivre l’érection ni la jouissance masculine. Et pourtant, dans la mesure où nous utilisons les mêmes mots (amour, désir, orgasme, etc.), nous n’imaginons pas un seul instant que nous ne parlons pas de la même chose. Il y a cependant peu de rapport entre ce que les femmes nomment « désir », sentiment et sensation intime qui naît, croit, s’installe progressivement, et l’érection réflexe presque instantanée qui vient aux hommes bien avant de « désirer ». Le malentendu peut être total lorsque cet homme « bande » alors que les conditions du désir ne sont pas réunies pour sa partenaire, c’est souvent le cas en présence proche des enfants. Cette proximité des « enfants de l’amour » renvoie la femme à sa fonction de mère et peut inhiber toute montée du désir alors que les signes de l’excitation sont présents chez son compagnon qui ne comprend pas sa réaction. La solution ne peut venir que de la prise de conscience par les hommes de ce vécu très différent de la sexualité par leurs compagnes et de la nécessité que toutes les conditions de l’amour soient réunies pour vivre l’intimité. C’est notre rôle, à nous médecins, de permettre cette prise de conscience par une information et une pédagogie de la différence des sexes.

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