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Endocrinologie

Publié le 01 nov 2016Lecture 10 min

Hyperandrogénie postménopausique

J. SARFATI, Hôpital Saint-Antoine, Paris

Au cours de la ménopause, un déséquilibre entre estradiol et testostérone peut être responsable de signes hyperandrogéniques de vieillissement naturel. L’hyperandrogénie est définie par un taux de testostérone plasmatique au-dessus de la norme. Les causes sont nombreuses, tumorales, tumeurs ovariennes et surrénaliennes, et fonctionnelles, syndrome des ovaires polykystiques, hyperplasie surrénalienne et hyperthécose ovarienne principalement. L’objectif principal du clinicien est d’éliminer une pathologie tumorale. Devant une hyperandrogénie biologique confirmée, il est nécessaire de réaliser une imagerie surrénalienne et pelvienne et rarement un cathétérisme des veines ovariennes et surrénaliennes. Les causes tumorales relèveront d’un traitement chirurgical et les autres causes, dites fonctionnelles, d’un traitement soit médical, soit chirurgical.

Chez les femmes en post-ménopause, l’ovaire n’est pas inactif ; il persiste une sécrétion hormonale(1). En comparaison de la sécrétion d’estrogènes qui chute brutalement après la ménopause, la sécrétion de testostérone persiste en diminuant progressivement avec l’âge. L’hyperandrogénie de la ménopause est définie par un taux de testostérone au-dessus de la normale. Cependant, il n’existe pas de norme spécifique à la femme ménopausée, mais il est, à l’heure actuelle, accepté que ce taux de testostérone ne doit pas dépasser ceux des femmes en pré-ménopause. Cette définition ne prend donc pas en compte le déclin progressif du taux de testostérone avec l’âge. La sécrétion des androgènes en pré- et post-ménopause est sous le contrôle de la LH. Du fait de ce déséquilibre entre les taux d’androgènes et d’estrogènes, des signes minimes d’hyperandrogénie clinique peuvent être classiquement observés avec le vieillissement. Ces signes ne sont pas associés à une hyperandrogénie biologique. Ce déséquilibre est amplifié par la diminution progressive de la SHBG (Sex Hormone Binding Globulin) avec l’âge.   Approche diagnostique   Le risque majeur de l’hyperandrogénie de la ménopause est une tumeur surrénalienne dont le pronostic dépend de la rapidité diagnostique.   Clinique   La plupart des femmes ayant une hyperandrogénie après la ménopause se plaignent d’un hirsutisme. Dans une étude rétrospective chez 20 patientes hyperandrogéniques, la prévalence de l’hirsutisme était de 54 %(2). L’hirsutisme est défini par une augmentation de pilosité particulièrement sur le menton, la lèvre supérieure et l’abdomen. Il peut être quantifié par le score de Ferriman-Gallwey qui assigne un score de 0 à 4 au niveau de 9 zones corporelles (figure 1)(3).   Figure 1. Score de Ferriman Gallwey d’après la référence 3.   Chez la femme en pré-ménopause, l’hirsutisme est considéré si le score est > 8, mais ce score n’a pas été validé chez la femme ménopausée. Les signes de virilisation peuvent être associés à l’hirsutisme tel qu’une alopécie temporale (figure 2)(4), une augmentation de masse musculaire, une voix grave, une clitoridomégalie. Quoiqu’ils soient évocateurs d’hyperandrogénie tumorale, ces signes peuvent également être présents chez des femmes ayant une hyperandrogénie non tumorale (17 %)(2).   Figure 2. Alopécie temporale d’après la référence 4.   Dans de nombreux cas, l’hyperandrogénie de la ménopause est associée à un saignement utérin, car la conversion périphérique de l’excès d’androgènes en estrogènes est responsable d’une hyperplasie endométriale. Il est important de connaître la rapidité d’évolution, la date d’apparition des symptômes et de collecter l’histoire gynécologique de ces patientes : âge des premières règles, irrégularités menstruelles. Dans l’expérience du service d’endocrinologie du Pr Touraine de la Pitié-Salpêtrière(2), les patientes ayant une hyperandrogénie de la ménopause avec une cause tumorale avaient une durée d’évolution de leurs symptômes significativement plus courte que celles avec une hyperandrogénie sans cause tumorale identifiée (20 mois versus 132 mois en moyenne). Avec l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans notre population, l’histoire du poids doit être notée, en particulier s’il y a une concomitance avec l’apparition/aggravation de l’hirsutisme.   Biologie   Le dosage de testostérone totale est le seul indispensable Le dosage de testostérone libre est difficile et peut être utile quand il est réalisé par une méthode de dialyse à l’équilibre, mais les dosages directs ne sont pas fiables. Dans la même étude conduite dans le service d’endocrinologie du Pr Touraine(2), le taux moyen de testostérone était plus élevé dans le groupe tumoral, mais il existait un chevauchement important entre les 2 groupes (figure 3).   Figure 3. Répartition des taux de testostérone au sein des 2 groupes, T : groupe tumoral, NT : groupe non tumoral.   Après une analyse de régression logistique, il était apparu qu’une femme ménopausée avec une hyperandrogénie et une pathologie tumorale avait 8,4 fois plus de risque d’avoir un taux de testostérone basal > 1,4 ng/ml (3,5 N) et 10,8 fois d’avoir une FSH basale < 35 UI/l qu’une femme ayant une hyperandrogénie de cause non tumorale(2). Un dosage de SDHEA peut être utile pour orienter vers une source surrénalienne car environ 95 % du SDHEA est produit par les surrénales. Cependant, le dosage manque de spécificité et sensibilité. Si ce dosage de testostérone est élevé, il est nécessaire d’éliminer un syndrome de Cushing. Ce diagnostic repose sur l’un de ces 3 dosages : le cortisol libre urinaire de 24 h, le test de suppression à la dexaméthasone minute (1 mg) et le cortisol à minuit (d’après le PNDS syndrome de Cushing, HAS 2008). Certains centres suggèrent qu’un test de suppression à la dexaméthasone de 48 h aiderait à différencier les hyperandrogénies non tumorales des hyperandrogénies tumorales(5). Une diminution du taux de testostérone de plus de 40 % serait présente chez toutes les femmes ayant une hyperandrogénie non tumorale, mais aucune étude n’a été réalisée chez la femme ménopausée(5). De façon associée,  une hématocrite peut être retrouvée élevée car la testostérone inhibe l’hormone de « régulation du fer », l’hepcidine.   Cathétérisme des veines surrénaliennes et ovariennes   Le cathétérisme des veines ovariennes et surrénaliennes est réalisé depuis de nombreuses années avec des résultats très variables. Des difficultés techniques s’associent à des difficultés d’interprétation (absence de guidance hormonale permettant d’être assurée du bon placement du cathétérisme). Ainsi, selon l’expérience londonienne(6), seules 27 % des procédures avaient cathétérisé avec succès les 4 veines ; ce chiffre était de 24 % dans la série de l’équipe d’endocrinologie de l’hôpital Bicêtre (résultats non publiés). Au sein de cette même série, cet examen ne permettait un diagnostic formel que dans ces 24 % des cas. Il est réservé aux patientes dont les imageries ne permettent pas de diagnostic : soit aux cas d’imagerie négative, soit en présence d’images surrénaliennes et ovariennes.   Imageries   Les tumeurs ovariennes peuvent être de petite taille et difficiles à mettre en évidence. Dans notre expérience(2), au sein du groupe de patientes ayant une tumeur, l’échographie pelvienne avait une valeur prédictive positive (VPP) de 71 % et une valeur prédictive négative (VPN) de 73 % (figure 4a). L’IRM pelvienne avait, quant à elle, une VPP de 78 % et une VPN de 100 %. l’IRM pelvienne permettait le diagnostic de toutes les tumeurs. elle semble être le gold standard à la recherche de tumeur ovarienne de petite taille (figure 4b). En revanche, les tumeurs surrénaliennes peuvent être facilement identifiées par l’imagerie (scanner préférentiellement en 1re intention). Un piège potentiel est de mettre en évidence un adénome surrénalien (7 % de la population âgée) qui n’est pas la cause de la sécrétion d’androgènes. Dans ces rares cas, un cathétérisme des veines surrénaliennes et ovariennes peut être utile au diagnostic si les 4 veines sont cathétérisées et au sein d’un centre d’expertise.   Figure 4. a. Échographie pelvienne endovaginale avec Doppler mettant en évidence une masse ovarienne vascularisée. b. IRM pelvienne faisant le diagnostic de tumeur ovarienne gauche. Les flèches blanches indiquent la tumeur ovarienne.   Étiologies des hyperandrogénies en post-ménopause   Les causes d’hyperandrogénie de la ménopause sont diverses et peuvent être catégorisées en tumorales ou non tumorales (encadré ci-dessous).   Les causes tumorales   Tumeurs ovariennes Les tumeurs ovariennes androgéno-sécrétantes ont, le plus fréquemment, pour origine les cellules germinales, plus rarement, les cellules du stroma ovarien (tumeurs du hile ou thécomes). Les tumeurs dites de Sertoli-Leydig ne représentent que 0,4 % de toutes les tumeurs ovariennes. Elles ont un potentiel de malignité dépendant de leur différenciation. Les tumeurs de la granulosa sécrètent plus fréquemment des estrogènes mais peuvent sécréter des androgènes. Ces tumeurs peuvent être de petite taille et le diagnostic topographique peut être difficile. L’échographie pelvienne peut être prise en défaut et la cathétérisation sélective des veines ovariennes peut apporter des informations intéressantes dans ce contexte.   Tumeurs surrénaliennes Les tumeurs surrénaliennes sécrétant des androgènes sont très rares. Elles sont le plus souvent malignes (corticosurrénalomes), quoique quelques cas de tumeurs bénignes aient été rapportés. Les corticosurrénalomes produisent classiquement des androgènes de façon associée à un excès de cortisol, exceptionnellement de façon exclusive. Les tumeurs surrénaliennes sont toujours visibles sur le scanner des surrénales et ne posent donc pas de problème diagnostique à l’imagerie. Leur pronostic dépend du score de Weiss histologique et de son extension.   Les causes non tumorales   Le syndrome des ovaires polykystiques Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est la cause la plus commune d’hyperandrogénie chez la femme en âge de procréer, basé sur des critères spécifiques cliniques, biologiques et morphologiques (critères de Rotterdam, 2003). Cependant, le SOPK chez les femmes ménopausées n’est pas bien défini. Le SOPK débute habituellement à la puberté et tend à progresser au cours de la vie reproductive. Cependant, toutes les femmes avec un SOPK n’ont pas eu un diagnostic avant la ménopause. Classiquement, les signes cliniques et biologiques du SOPK s’améliorent en périménopause, mais comme les andro gènes ovariens ne diminuent pas brutalement en l’absence de ménopause chirurgicale ; les symptômes d’un SOPK peuvent persister.   Hyperthécose L’hyperthécose est une forme sévère de SOPK et résulte d’une régulation anormale de la stéroïdogenèse ovarienne. Bien que l’étiologie de ce trouble ne soit pas clairement établie, l’élévation des gonadotrophines en postménopause semble contribuer à son apparition. En imagerie pelvienne, les ovaires sont augmentés de taille en comparaison d’ovaires normaux postménopausiques. Le diagnostic est confirmé histologiquement (présence de cellules stromales lutéinisées au sein du stroma ovarien). Classiquement, les femmes ayant une hyperthécose ont une longue histoire, lentement progressive, d’hyperandrogénie. La présence de symptômes avant la ménopause pourra aider au diagnostic différentiel. Chez la majorité des femmes avec une hyperthécose, il existe une insulinorésistance et une hyperinsulinémie. Elles sont plus à risque de complications métaboliques, de diabète de type 2, de dyslipidémie, bien qu’aucune étude d’importance ne rapporte le devenir à long terme des femmes ménopausées avec hyperthécose.   Syndrome de cushing Un syndrome de Cushing peut être diagnostiqué après la ménopause et peut être associé, dans presque 80 % des cas, à un hirsutisme (données personnelles non publiées). La présence d’une obésité, d’un faciès arrondi et d’une hypertension artérielle serait évocatrice de syndrome de Cushing.   Hyperplasie congénitale des surrénales Les hyperplasies congénitales des surrénales sont principalement dues à un déficit en 21 hydroxylase. Les formes non classiques de cette maladie sont fréquentes et retrouvées chez 1 à 10 % des femmes hyperandrogéniques selon leur origine. Elles sont associées à une élévation du taux de 17-hydroxy-progestérone (17OHP). Les symptômes sont le plus souvent modérés et progressifs et miment un SOPK. Cela peut plus rarement se développer plus tardivement. Certains médicaments sont responsables d’un hirsutisme (ciclosporine, danazol, minoxidil).   Conclusion   L’hyperandrogénie au cours de la ménopause est une pathologie rare mais dont la prévalence n’a pas été évaluée. Les causes sont nombreuses et principalement divisées en causes tumorales et fonctionnelles ou non tumorales. L’objectif principal du diagnostic est d’éliminer une cause tumorale, en particulier, surrénalienne. Le dosage de la testostérone et la réalisation d’imageries pelviennes et surrénaliennes seront les principales armes diagnostiques. L’arbre décisionnel proposé selon les références 7 et 8 et schématisé dans la figure 5 propose de réaliser une imagerie surrénalienne et pelvienne devant une testostérone élevée avec une histoire clinique non ancienne. Le cathétérisme des veines ovariennes et surrénaliennes ne sera proposé que dans les rares cas où l’imagerie n’est pas concluante. Par ailleurs, le traitement est étiologique. Il sera chirurgical pour les tumeurs surrénaliennes et ovariennes. Les analogues de la GnRH peuvent être utilisés chez les patientes ayant une hyperandrogénie ovarienne sans tumeur identifiée ou avec une contreindication opératoire.   Figure 5. Arbre décisionnel d’une hyperandrogénie de la ménopause d’après 7 et 8.

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