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Obstétrique

Publié le 04 sep 2016Lecture 9 min

Complications des grossesses monochoriales

J. ROSENBLATT, CPDPN Robert-Debré, Paris

Les grossesses gémellaires monochoriales correspondent à une entité particulière en raison des liens étroits entre les deux compartiments vasculaires fœtaux. Les complications les plus fréquentes correspondent au syndrome transfuseur-transfusé, au retard de croissance intra-utérin et au syndrome anémie-polycythémie. Ces trois entités peuvent aboutir à une mort fœtale in utero et nécessitent, de ce fait, la mise en place d’une surveillance étroite pendant la grossesse, dont l’échographie est un pilier fondamental. L’établissement précoce, au 1er trimestre, de la chorionicité est donc un moment important, puisqu’il va déterminer le rythme de la surveillance échographique jusqu’à terme.

Zygotie et chorionicité   Alors que les grossesses dizigotes, issues de 2 œufs fécondés sont dichoriales, les grossesses monozygotes peuvent être monochoriales ou bichoriales. Lorsque le clivage a lieu à un stade précoce entre 0 et 4 jours après la fécondation, au stade de la morula, les 2 embryons issus du clivage vont s’implanter séparément dans l’utérus, et donner lieu au développement de 2 embryons et 2 systèmes d’annexes correspondants, chorion et amnios, à l’instar d’une grossesse dizygote.   Il en est ainsi dans un tiers des cas environ. Lorsque le clivage a lieu entre 4 et 8 jours de gestation, les embryons se développent séparément dans un amnios propre, mais le chorion est commun, on obtient une grossesse monochoriale biamniotique, le cas le plus fréquent dans les grossesses monozygotes. Lorsque le clivage survient à un stade encore plus tardif, il concerne uniquement les embryons avant l’apparition de la ligne primitive, et les 2 embryons se développent dans le même chorion et le même amnios réalisant une grossesse monochoriale monoamnioique (moins de 1 % des monochoriales). Enfin, si la séparation survient après 14 jours de gestation, après l’apparition de la ligne primitive, il persiste une zone d’accolement entre les 2 embryons et on obtient une grossesse monoamnioique avec jumeaux conjoints. Le diagnostic de chorionicité est un processus capital dans le suivi des grossesses gémellaires. Il est fait avec le plus de précision entre 9 et 15 semaines d’aménorrhée (SA). Le signe du lambda trophoblasique (figure 1) correspond à un raccordement des membranes avec interposition de trophoblaste, correspondant à une grossesse bichoriale. Lorsque le raccordement se fait en T avec une membrane fine sans interposition de chorion (figure 2), il s’agit d’une grossesse monochoriale. Le diagnostic de chorionicité doit absolument être réalisé au moment de l’échographie du 1er trimestre car il conditionne le suivi de la grossesse et le niveau de risque(1,2).   Figure 1. Écho 13 SA et représentation schématique, signe du lambda : le trophoblaste est visualisé entre les 2 membranes qui forment un lambda (en rouge) dont les 2 piliers sont séparés par une interposition de trophoblaste (rouge clair), confirmant le diagnostic de grossesse bichoriale.   Figure 2. Écho 12 SA et représentation schématique, signe du T : l'insertion membranaire se fait selon un angle de raccordement moins ouvert dit "en T" (en rouge) et sans interposition de trophoblaste dans les grossesses monochoriales.   Les anastomoses placentaires   La majorité des complications des grossesses monochoriales est due à la présence d’anastomoses placentaires. Ces anastomoses entre les 2 circulations fœtales sont présentes à l’état normal chez tous les couples de jumeaux monochoriaux. Plusieurs types existent : – les anastomoses artérioartérielles, les plus fréquentes ; – veino-veineuses, dans 20 % des cas, ces 2 types étant dites « superficielles », car elles se situent sur la face membranaire du placenta ; – enfin, les anastomoses artérioveineuses, très fréquentes, qui sont visibles à la face membranaire du placenta, mais pour lesquelles le lieu de l’anastomose elle-même est plus profond, au niveau du cotylédon. Ainsi, par ces anastomoses placentaires, il existe un échange permanent entre les circulations fœtales, qui est normalement équilibré, en particulier par les anastomoses artérioveineuses dont le débit est volontiers plus important(3,4). • Le syndrome transfuseur transfusé (STT) est la résultante la plus connue d’un déséquilibre des anastomoses placentaires. Ce déséquilibre des flux se fait aux dépens d’un fœtus donneur vers un fœtus receveur. Il est généralement chronique et peut décompenser de manière aiguë ou subaiguë. Il aboutit à une différence de volémies : le fœtus donneur se retrouve en hypovolémie, avec une oligurie et le fœtus receveur en hypervolémie avec une polyurie. Le donneur réagit en activant son système rénine-angiotensine-aldostérone (SRA), aboutissant à une sécrétion hormonale qui va avoir pour but de stimuler une rétention hydrosodée. Les hormones sécrétées passent dans la circulation du receveur qui subit l’activation du SRA, ce qui a pour effet de renforcer le cercle vicieux, avec un effet d’autant plus délétère sur le donneur. On voit alors s’installer une séquence hydramnios sur le receveur avec vessie de grande taille et oligoamnios chez le donneur, avec vessie petite, voire une situation d’anamnios avec un jumeau coincé (« stuck twin »). Le STT résulte donc d’un déséquilibre des volémies foetales et non d’une transfusion au sens propre. La séquence TOPS ou STT complique 10 à 15 % des grossesses monochoriales soit 1 à 3 pour 10 000 grossesses. Le déséquilibre de la volémie est rapporté à la présence de nombreuses anastomoses. Le risque obstétrical est important. Il est celui d’une mort fœtale in utero (MFIU) spontanément dans plus de 50 % des cas, et celui d’un accouchement prématuré spontanément dans près de 100 % des cas. Le RCIU est très fréquemment associé, mais il ne fait pas parie de la définition du STT, de même que l’anémie/polycythémie qui correspond à une autre entité. La gravité du tableau s’analyse en fonction du stade de Quintero : – stade I avec une discordance de plus grandes citernes (PGC, 8 ou 10 cm après 20 SA) et 2 cm pour le donneur ; – stade II, la vessie du donneur n’est plus visible ; – stade III avec apparition d’anomalies Doppler ; – stade IV avec une anasarque sur l’un des jumeaux ; – et enfin stade V avec une MFIU. La gravité du pronostic est corrélée à l’importance du stade de Quintero(5). Le traitement de référence repose sur la photocoagulaion laser des anastomoses sous fœtoscopie(6). Les bénéfices de cette technique ont fait l’objet de plusieurs études et une revue de 2013 retrouve globalement un taux de survie d’au moins un jumeau dans environ 80 % des cas, avec cependant un risque de séquelles neurologiques(4). Dans le cas d’une mort fœtale in utero spontanée d’un jumeau, la présence d’anastomoses placentaires dans les grossesses monochoriales va être à l’origine d’une pathologie spécifique : la MFIU entraîne la chute des pressions intravasculaires dans le compartiment vasculaire du jumeau décédé. Par un phénomène de vases communicants, la pression dans le compartiment vasculaire du jumeau survivant va brutalement chuter pour équilibrer les pressions dans les 2 systèmes vasculaires, avec un phénomène de bas débit, qui peut aboutir à diverses complications : la MFIU du co-jumeau, dans 20 % des cas, ou des lésions vasculaires en particulier cérébrales, dans plus de la moitié des cas(7). Dans cette situation, une étude de la neuro-anatomie fœtale du jumeau survivant est recommandée, généralement par IRM à 3 semaines de l’épisode, afin de se donner le temps d’observer d’éventuelles lésions de porencéphalie. Le pronostic est dans ce cas très réservé.     RCIU   Si le RCIU est fréquemment associé à un STT, il va être retrouvé dans une grossesse monochoriale, sans pour autant être associé à un STT. Dans ce cas, on observe les stigmates d’une insuffisance placentaire avec un foetus dont la cinétique de croissance est insuffisante, et avec les anomalies Doppler qui sont parfois plus difficiles à interpréter, avec en particulier un aspect sinusoïdal qui peut se voir sur des analyses plus longues de tracés Doppler, en rapport avec les anastomoses placentaires. Dans ces cas, la présence d’une anomalie funiculaire, comme ici une insertion vélamenteuse du cordon, est souvent associée. La surveillance de la croissance doit être au moins bihebdomadaire avec la possibilité d’intensifier cette surveillance échographique en cas de suspicion de développement d’un STT surajouté. Séquence anémie-polycythémie   À côté du STT, une entité a été décrite pour la première fois en 2009(8), rendant compte de situations sans anomalies de volémies mais pour lesquelles une association d’un fœtus anémique et d’un fœtus polycythémique est constatée à la naissance. Cette situation est rare : spontanément, elle complique entre 3 et 5 % des monochoriales, cependant, elle est retrouvée dans 10 à 15 % des monochoriales après traitement par Laser(8). Dans ce cas, c’est le donneur qui est le plus souvent le foetus anémique. La physiopathogénie est vraisemblablement en rapport avec une transfusion chronique par de fines anastomoses AV, peu ou pas compensées par des anastomoses AA rares. Le diagnostic de twin anemia polycytemia sequence (TAPS) est fait par la recherche d’une anémie fœtale à l’aide du Doppler des artères cérébrales moyennes. La vitesse de circulation du sang est directement liée à sa viscosité, qui augmente en situation d’anémie. On considère que le foetus présente une anémie notable à partir de 1,5 MoM et le diagnostic de TAPS est réalisé devant un écart entre les vitesses cérébrales des 2 jumeaux, la discordance devant être au minimum entre 1,5 et 0,8 MoM respectivement(10). Un suivi longitudinal est nécessaire pour mettre en évidence un TAPS. La technique de mesure est très précise et nécessite une méthodologie rigoureuse au risque de valeurs fausses dans les deux sens. Le tir Doppler doit être dans l’axe du vaisseau (possibilité d’une correction d’angle devant être la moins importante possible), et aucune pression ne doit être exercée sur la tête foetale (figure 3). L’évolution du TAPS peut également être sévère et il existe une stadification comme pour le STT.   Figure 3. Technique de mesure des vitesses cérébrales dans l'artère cérébrale moyenne : le tir Doppler doit être dans l'axe du vaisseau étudié, sans exercer de pression sur la sonde pour en pas faussement majorer le résultat.   Masses acardiaques   La séquence TRAP (twin reverse arterial perfusion) est un acronyme qui désigne la situation des masses acardiaques. Il s’agit d’une complication exceptionnelle des grossesses monochoriales. La physiopathologie est discutée, et deux hypothèses possiblement imbriquées impliquent une modification précoce des débits anastomotiques et une anomalie cytogénéique post-zygoique. Le diagnostic échographique doit être fait au 1er trimestre devant la présence d’une masse parfois très différenciée, mais sans activité cardiaque, branchée en dérivation sur le cordon du jumeau sain. L’évolution spontanée est fréquemment défavorable par décompensation cardiaque du jumeau pompe. Une intervention in utero peut être nécessaire afin de soustraire le jumeau pompe à la masse acardiaque, par coagulation, laser ou radiofréquence. L’intervention est elle-même grevée d’une forte mortalité(9).   Programme de surveillance   Ces complications spécifiques des grossesses monochoriales, associées au risque malformatif, qui est environ 2 fois supérieur à celui d’un singleton(11), justifient donc l’effort particulier de l’établissement de la chorionicité mais également la programmation d’une surveillance échographique millimétrée au sein d’un centre de type III. On recommande, au 1er trimestre, de faire le diagnostic de chorionicité au moment de la réalisation des clartés nucales, et d’effectuer le repérage des insertions placentaires et coronales. La surveillance au 2e trimestre débute vers 16 SA avec la recherche de signes de STT : PGC et vessie pour chaque jumeau, mais également la recherche de signes de TAPS avec l’établissement systématique des vitesses cérébrales. Cette surveillance bimensuelle est nécessaire jusqu’à la fin de la grossesse. Elle permet, en outre, de vérifier l’anatomie fœtale, souvent incomplète sur un examen isolé. La surveillance sera bien sûr majorée en cas de doute sur un STT débutant ou d’un RCIU, et l’avis en centre pluridisciplinaire doit être pris sans retard étant donné la gravité du pronostic rapidement engagé.   En conclusion   Les particularités des grossesses monochoriales sont appréhendées par l’échographie à tous les termes de la grossesse : – au 1er trimestre afin de confirmer le caractère monochorial et de rechercher les complications graves ; – au 2e trimestre, afin de réaliser le monitorage échographique qui permet la prise en charge rapide des complications classiques ; – et enfin tout au long du suivi, afin de diagnostiquer des situations trompeuses et de les surveiller.  

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