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Cancérologie

Publié le 09 juin 2016Lecture 8 min

Cancer de l’endomètre : quand penser au syndrome de Lynch ?

A.-S. BATS, P. LAURENT-PUIG, C. BENSAID, C. NGO, P. CAPMAS, C. COURNOU, C. NOS, F. LECURU, Chirurgie cancérologique gynécologique et du sein et oncogénétique, Réseau francilien de prise en charge multidisciplinaire des personnes prédisposées héréditaireme

Le syndrome de Lynch est une prédisposition héréditaire aux cancers, notamment du côlon, de l’endomètre et de l’ovaire, en rapport avec une mutation des gènes de réparation des mésappariements de l’ADN, qui confère aux tumeurs un caractère instable.

Les cancers de l’endomètre et de l’ovaire surviennent chez des patientes jeunes et ont des caractéristiques clinico-pathologiques spécifiques (survenue à un âge jeune, cancers de l’endomètre non endométrioïdes, cancers de l’ovaire endométrioïdes ou à cellules claires). L’incidence élevée de ces tumeurs chez des patientes jeunes justifie une surveillance gynécologique régulière, quoique le dépistage gynécologique n’ait jamais prouvé son bénéfice. La chirurgie prophylactique est, par ailleurs, le meilleur moyen de prévention et est recommandée une fois le projet parental accompli.   Cancers liés au syndrome de lynch   Si le syndrome de Lynch, encore connu sous le nom d’HNPCC (Human Non Polyposis Colorectal Cancer), a longtemps été associé à une prédisposition héréditaire aux cancers colorectaux, le suivi des familles a permis de mettre en évidence le large spectre tumoral, à commencer par le risque de cancer de l’endomètre chez les femmes dont le risque est aussi élevé, voire plus, que celui du cancer colorectal. Les autres sites à risque sont l’ovaire, l’estomac, l’intestin grêle, les voies excrétrices urinaires, les voies biliaires, la peau (dans le cadre du syndrome de Muir-Torre à l’origine de kératoacanthomes et de tumeurs sébacées), ainsi que l’encéphale. Les tumeurs appartenant au spectre restreint du syndrome de Lynch sont les CCR, les cancers de l’endomètre, de l’intestin grêle et des voies excrétrices urinaires.   Diagnostic du syndrome de lynch   Les critères d’Amsterdam (CA) 2, correspondant aux CA élargis aux tumeurs du spectre restreint, permettent de poser cliniquement le diagnostic de ce syndrome (encadré ci-dessous).     Génétique   D’un point de vue génétique moléculaire, ce syndrome correspond à la mutation d’un gène du système Mis Match Repair (MMR) impliqué dans la reconnaissance des mésappariements de l’ADN et leur réparation. Les gènes actuellement connus sont les gènes hMLH1, hMSH2, hMSH6 et PMS2. La mutation de l’un de ces gènes est à l’origine d’un phénotype tumoral particulier, caractérisé par une instabilité tumorale (tumeur MSI-H Micro Satellite Instability-High) ainsi qu’une perte d’expression des protéines correspondantes, mise en évidence par immunohistochimie. L’analyse somatique apparaît donc essentielle face à une tumeur pouvant faire évoquer un syndrome de Lynch. Le caractère stable sans perte d’expression protéique récuse le diagnostic, tandis que son caractère instable avec perte d’expression protéique doit faire poser l’indication d’un prélèvement sanguin des patients pour confirmer le diagnostic. Il faut néanmoins faire attention car certaines tumeurs peuvent être instables par hyperméthylation du gène hMLH1 notamment, ce qui donne un phénotype tumoral faussement évocateur du syndrome. Par ailleurs, certains gènes, notamment hMSH6, peuvent rendre la mise en évidence de l’instabilité difficile. Concernant les indications de recherche d’instabilité et de perte d’expression sur la tumeur, les critères de Bethesda, appliqués aux tumeurs colorectales, sont bien codifiés (encadré ci-dessous). Dans le cas des cancers de l’endomètre, la recherche d’une instabilité des microsatellites au niveau tumoral est recommandée pour identifier un syndrome HNPCC/Lynch chez toutes les patientes : – présentant un cancer de l’endomètre avant 50 ans ; – ou quel que soit l’âge chez une patiente dont un apparenté au premier degré a été atteint d’un cancer colorectal ou du « spectre HNPCC » (endomètre, intestin grêle, urothélium, voies biliaires, estomac, ovaire). Cette recherche d’instabilité s’associe en cas de positivité à une recherche de perte d’expression protéique.   Incidence des cancers liés au syndrome de lynch   L’étude française ERISCAM, coordonnée par Valérie Bonadona(1), rapporte le risque de cancers chez des patients avec mutation identifiée. Le risque cumulé à 70 ans de cancer de l’endomètre dépasse celui des cancers colorectaux chez la femme (33 % vs 31 %). Le risque de cancer de l’ovaire n’est pas non plus négligeable puisqu’il est retrouvé à 9 %. Le gène hMLH1 est associé au plus grand risque de cancer de l’endomètre (54 %) et le risque de cancer de l’ovaire est de 20 et 24 % pour les mutations hMLH1 et hMSH2 respectivement, tandis qu’il n’est que de 1 % en cas de mutation du gène hMSH6. Dans cette étude, l’âge médian du cancer de l’endomètre est de 49 ans et celui du cancer de l’ovaire de 44 ans. Il faut noter que dans les deux cas, le risque de cancer est quasi nul avant l’âge de 40 ans. caractéristiques clinico-pathologiques des cancers gynécologiques Les caractéristiques clinico-pathologiques ont été peu étudiées dans les cancers de l’endomètre et de l’ovaire, mais il apparaît que les cancers de l’endomètre liés au syndrome de Lynch surviennent à un âge plus précoce que dans la population générale, qu’il s’agit souvent du cancer « sentinelle » (1er cancer présenté par la patiente avant les autres tumeurs du spectre) ; même si le type histologique prédominant reste l’adénocarcinome endométrioïde, il existe davantage de tumeurs non endométrioïdes, il y a relativement plus de stades avancés que dans la population générale, et les tumeurs sont souvent localisées au niveau de l’isthme utérin. Il existe par ailleurs une hétérogénéité tumorale et une infiltration lymphocytaire. Les caractéristiques tumorales semblent également différentes selon l’âge des patientes avec : – des tumeurs de faible grade et stade, chez les femmes de plus de 50 ans, pouvant être associées à une tumeur ovarienne ; – des tumeurs de grade 3, de type histologique plus agressif et de stade élevé, diagnostiquées chez des femmes plus jeunes, avec des caractéristiques histologiques compatibles avec une instabilité, moins de récepteurs aux estrogènes et à la progestérone, et des localisations plus fréquentes sur l’isthme(2). Concernant les cancers de l’ovaire, ils surviennent également à un âge jeune, sont volontiers des adénocarcinomes endométrioïdes ou à cellules claires, de stade I, de bas grade ou grade intermédiaire et associés à un bon pronostic(3).   Dépistage gynécologique   Le risque accru de cancer gynécologique et l’âge jeune de survenue sont deux arguments majeurs indiquant un dépistage gynécologique dans cette population. L’échographie pelvienne a été évaluée dans plusieurs études rétrospectives plus ou moins bien conduites et ne semble pas permettre de dépister des cancers, tandis que des cas de cancers de l’intervalle ont été publiés. Notre équipe a conduit une étude prospective observationnelle portant sur 58 patientes avec mutation ou CA, bénéficiant d’une échographie avec biopsie d’endomètre annuelle. Nous avons diagnostiqué 2 cas de cancers, mais qui étaient néanmoins à chaque fois symptomatiques(4). L’hystéroscopie diagnostique a été peu évaluée mais elle montre de très bons résultats, visualisant directement l’endomètre et permettant de porter le diagnostic à la fois de cancer, mais également d’hyperplasie endométriale atypique, qui est une lésion précurseur du cancer(5,6). Enfin, Renkonen-Sinisalo et coll. ont publié une étude très intéressante sur la place de la biopsie d’endomètre. Il s’agit d’une étude prospective de cohorte sur 175 patientes mutées, bénéficiant d’une surveillance annuelle par échographie et biopsie d’endomètre. Quatorze cas de cancers ont été diagnostiqués, dont 11 sur les biopsies d’endomètre de dépistage, et 14 hyperplasies ont été mises en évidence grâce au prélèvement(7). Il faut néanmoins conclure qu’aucune preuve de bénéfice du dépistage n’a été apportée à ce jour, et l’étude nord-européenne évaluant le dépistage souligne que la quasi-totalité des cancers et lésions précurseurs sont symptomatiques(8). Les recommandations actuelles éditées par l’INCA sont de procéder à un dépistage au moins biennal par échographie pelvienne ± biopsie d’endomètre idéalement à la pipelle de Cornier à partir de l’âge de 30 ans(9). L’éducation des patientes est primordiale pour qu’elles consultent au moindre saignement anormal. Enfin, la découverte de lésions précancéreuses (hyperplasies atypique et complexe) doit conduire à une hystérectomie.   Chirurgie prophylactique   En dehors du dépistage, il existe également une recommandation de chirurgie prophylactique chez les patientes mutées ou à risque élevé, ayant accompli leur projet parental(9). Elle comporte une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, au mieux réalisée par voie cœlioscopique, afin de permettre une exploration péritonéale. En l’absence de contre-indication particulière, les patientes peuvent bénéficier d’un traitement hormonal substitutif. Une seule étude a évalué la chirurgie prophylactique et a montré qu’elle supprime tout risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire, même si des cas de carcinose péritonéale secondaire ont été décrits(10). La chimio-prévention paraît sans doute une piste d’avenir dans cette population.    

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