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Endocrinologie

Publié le 07 fév 2016Lecture 13 min

Intérêt de la chirurgie bariatrique avant grossesse chez les femmes obèses, risques et bénéfices

D. QUILLIOT, M.-A. SIRVEAUX, O. ZIEGLER, L. BRUNAUD, N. REIBEL Hôpital d’adultes de Brabois, service de diabétologie, CHU de Nancy

L’obésité est une cause fréquente d’infertilité alors que la prévalence de l’obésité augmente chez les femmes enceintes. Deux raisons qui expliquent la préoccupation croissante des gynécologues-obstétriciens.
La chirurgie bariatrique peut avoir un réel intérêt chez les femmes qui présentent une obésité sévère.
Les données de la littérature montrent les bénéfices de cette chirurgie sur l’amélioration de la fertilité, la diminution du risque de complications maternelles (risque de diabète, d’hypertension gravidique, de prééclampsie, etc.), et probablement pour l’enfant, en raison, notamment de la diminution du risque de macrosomie.
En revanche, le risque d’accouchement prématuré semble plus élevé, ainsi que celui d’hypotrophie fœtale.
Il est donc fortement recommandé d’éviter les grossesses pendant la phase d’amaigrissement qui suit cette intervention.

Une contraception adaptée est souhaitable pendant cette période, même si la femme pense être infertile. L’efficacité de la contraception ne semble pas être altérée, notamment après gastric bypass, mais elle est néanmoins diminuée chez les femmes obèses. La correction des carences en vitamines et en minéraux est fortement recommandée avant l’arrêt de la contraception. La carence en vitamine B12 est habituelle après gastric bypass, justifiant une supplémentation systématique. La carence en fer touche 30 à 50 % des femmes opérées en âge de procréer. Enfin, la supplémentation en folates est particulièrement recommandée, en raison d’anomalie de fermeture du tube neural. La chirurgie bariatrique doit être pratiquée dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires, après un parcours de soins formalisé les préparant à cette intervention, notamment sur le plan psychologique, suivant les recommandations de la HAS. La chirurgie bariatrique chez la femme en âge de procréer L’obésité est responsable d’une diminution de la fertilité chez la femme et est associée à un risque accru de complications obstétricales. Le risque de complications gravidiques – tels l’hypertension, la prééclampsie, le diabète gestationnel et le risque de césarienne – justifie d’inciter les femmes obèses à perdre du poids avant la grossesse. Les études prospectives de morbi-mortalité, notamment la SOS study, en montrant une amélioration de l’espérance de vie et des comorbidités, ont convaincu médecins et chirurgiens de l’intérêt de la chirurgie bariatrique et expliquent son essor considérable dans les pays occidentaux. En France, la chirurgie de l’obésité intéresse essentiellement les femmes (78,7 % dans l’enquête Obépi) ; 40 % d’entre elles sont en âge de procréer. La question de la grossesse est donc une préoccupation quotidienne chez les femmes candidates à une chirurgie bariatrique. L’évaluation de la balance bénéfice/risque mérite d’être analysée au niveau du risque maternel et du risque fœtal. La perte de poids doit théoriquement diminuer les risques de complications maternelles, mais les risques liés à la perte de poids ou d’absorption ne doivent pas être négligés et justifient certaines précautions. Plusieurs études ont tenté d’analyser les bénéfices/risques de la grossesse après chirurgie bariatrique, mais elles ont été confrontées à des problèmes méthodologiques liés essentiellement à la sélection du groupe témoin. On peut en effet comparer l’incidence des complications durant la grossesse de femmes ayant bénéficié de chirurgie bariatrique avec des femmes ayant un poids normal avant grossesse, ou avec celles ayant un IMC comparable avant grossesse ou avant la chirurgie. Ainsi, certains auteurs retrouvent une augmentation du risque de prééclampsie chez des femmes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique comparativement à des femmes de poids normal (OR = 1,38 ; CI 95 % : 1,07-1,78), sans différence entre ces dernières et une population obèse avant chirurgie, et une diminution comparativement à des femmes ayant un IMC > 40 kg/m². L’hétérogénéité des études ne permet donc pas de métaanalyse. Le type de chirurgie est également variable d’une étude à l’autre. Pour le praticien, la question est bien de comparer les risques avant/après perte de poids, donc à une population témoin ayant un IMC comparable avant perte de poids. Prévalence de l’obésité chez les femmes en âge de procréer : une augmentation qui ralentit… Un IMC > 30 kg/m2 indique une obésité et, au-delà de 40 kg/m2, il s’agit d’obésité morbide. L’enquête Obépi permet d’estimer la prévalence de l’obésité en France à 15 % en 2012. Elle est plus importante chez les femmes (15,7 %) que chez les hommes (14,3 %). L’augmentation du nombre de femmes obèses depuis 1997 est particulièrement marquée chez les femmes jeunes. Chez les 18-25 ans, le pourcentage de femmes obèses est ainsi passé en 15 ans de 2 à 6 %. Pour les 25-34 ans, la prévalence est passée de 6 à 11 % et pour les 35-44 ans de 8 à 16 %, ce qui indique que de plus en plus de femmes en âge de procréer présentent une obésité. Néanmoins, point encourageant, cette prévalence se stabilise depuis 2006. Prévalence de l’obésité chez les femmes enceintes Aux États-Unis, un tiers des femmes en âge de procréer sont obèses contre 24 % en Angleterre. En France, en 2002, la cohorte EDEN retrouvait 7,4 % de femmes enceintes obèses. On peut estimer que, depuis 2002, cette prévalence a doublé. Quel type d’intervention ? • L’anneau gastrique (figure 1) a été l’intervention la plus pratiquée en France durant la dernière décennie. Les complications « mécaniques » et l’incidence des échecs au fil du temps (de 20 à 50 % à 10 ans), notamment chez les patients présentant des troubles du comportement alimentaire, expliquent la diminution progressive de la pratique de cette intervention. Figure 1. L'anneau gastrique ajustable. • Le court-circuit gastrique ou gastric bypass (GBP) (figure 2) est devenu l’intervention de référence depuis qu’elle est pratiquée sous cœlioscopie. La courbe d’apprentissage, plus importante pour les chirurgiens et la durée de l’intervention (de 90 à 200 min), en limite la diffusion. Figure 2. Gastric bypass ou court-circuit gastrique. • La sleeve gastrectomy (figure 3) est l’intervention la plus récente, dont la progression en France est fulgurante, en raison notamment de sa relative simplicité. Les complications de cette intervention ne sont pas rares, notamment les fistules. Le manque de recul (absence d’études au-delà de 5 ans) et les échecs constatés à court terme devraient en limiter la diffusion en dehors de centres évaluateurs. Les conséquences nutritionnelles de cette intervention sont également peu connues. Figure 3. Sleeve gastrectomy ou gastrectomie en gouttière.   Bénéfices de la chirurgie bariatrique avant grossesse   Obésité et chirurgie bariatrique : une amélioration de la fertilité L’obésité représente un facteur de risque majeur d’infertilité. L’augmentation de la masse grasse abdominale (obésité androïde) est en effet associée à une altération de l’ovulation, à une diminution de la réponse à l’induction de l’ovulation et à une diminution des chances de grossesse. Les mécanismes de cette infertilité sont multiples. Les modifications hormonales secondaires à l’augmentation de la masse grasse sont responsables d’une diminution de la fréquence des ovulations et d’une altération de la qualité des ovules. L’endométriose, plus fréquente chez la femme obèse, peut compromettre l’implantation. Enfin, la fréquence des rapports sexuels est également moindre chez les femmes obèses. L’obésité a également un impact négatif sur la procréation médicalement assistée. Sur une série de 500 inséminations artificielles avec donneur, les chances de grossesse étaient plus faibles de 30 % pour chaque augmentation de 0,1 point du rapport taille/hanche. Les doses de gonadotrophine doivent être plus élevées chez le sujet obèse et la durée de stimulation ovarienne, plus longue. Après amaigrissement important, plusieurs études ont montré une amélioration de la fonction ovulatoire et de la fertilité, une augmentation de l’activité sexuelle et de la libido. Une amélioration de la fertilité est également constatée chez les femmes présentant un syndrome des ovaires polykystiques. Ainsi après GBP, sur 110 femmes infertiles opérées, 69 ont pu développer une grossesse après amaigrissement et 15 sur 32 dans une autre étude. D’autres études cas-témoins comportant peu de patientes montrent également une augmentation des chances de grossesse. Complications maternelles pendant la grossesse • Risque de diabète gestationnel De nombreuses études montrent une diminution très significative du risque de diabète gestationnel après chirurgie bariatrique. L’obésité jouant un rôle majeur dans l’émergence du diabète gestationnel, la perte de poids avant grossesse en diminue le risque. • Éclampsie et hypertension gravidique Une diminution du risque de prééclampsie est retrouvée dans plusieurs études, si on compare les femmes opérées à des femmes ayant un IMC > 40 kg/m². Cette diminution du risque atteint 80 % pour le risque de prééclampsie, et 84 % pour le risque d’hypertension gravidique. • Risque de césarienne L’analyse des modalités d’accouchement a fait l’objet de plusieurs études cas-témoins dont les résultats sont discordants. À partir d’une base de données américaine, on évalue à 28 % la prévalence de césariennes chez des patientes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique contre 43 % avant chirurgie. Une autre étude comparant le nombre de césariennes dans une population israélienne, avant ou après chirurgie, montre au contraire une augmentation du nombre de césariennes quand la grossesse a lieu après chirurgie (17,9 % vs 30 %). D’autres études sont également discordantes. Ces différences peuvent être expliquées par de nombreux biais, comme l’âge des patientes, le nombre de grossesses antérieures et, surtout, les antécédents de césarienne. Ainsi, dans une étude, les antécédents de césarienne étaient de 7,6 % dans le groupe grossesse avant chirurgie contre 20,1 % dans le groupe grossesse après chirurgie. Une métaanalyse a estimé que le risque de césarienne était multiplié par 2 à 3 chez les femmes obèses. La prévalence de césarienne est en moyenne de 30 %, mais varie de 15,3 % à 87,8 %. Avant chirurgie bariatrique, ce risque varie de 9,5 % à 100 % ! Il est donc difficile d’évaluer le véritable impact de la chirurgie bariatrique sur ce paramètre. • Fausses couches et accouchements prématurés Le risque d’accouchements prématurés semble plus important après chirurgie bariatrique. Sur 13 études, 9 ne relèvent pas de différence, mais 4 d’entre elles montrent une augmentation du risque, selon que l’on compare à des femmes non obèses ou à des femmes de même IMC, ou par rapport au risque moyen de la population. Risques pour la grossesse après chirurgie bariatrique De nombreuses études américaines ou européennes montrent que 8 à 19 % des femmes obèses perdent du poids ou n’en prennent pas pendant leur grossesse, contre 0,1 % des femmes de poids normal. Cette proportion augmente avec l’IMC. Risque lié à la perte de poids pendant la grossesse La perte de poids pendant le 1er trimestre paraît être associée à un risque accru d’anomalies de fermeture du tube neural. Une faible prise de poids a également été associée à une augmentation du risque d’hypotrophie fœtale. Les enfants conçus aux Pays-Bas, en 1944-1945, ayant subi une période de famine sévère pendant le troisième trimestre (apports caloriques des femmes enceintes < 1 000 kcal/j), avaient un poids de naissance plus faible. Pendant cette période, le seuil de prise de poids en dessous duquel il y a un risque est de 0,5 kg/semaine. En dessous de ce seuil, le poids de naissance diminue. Cela semble vrai pour les femmes obèses. Plusieurs études montrent que les femmes obèses ne prenant pas de poids ou en perdant pendant la grossesse ont un risque augmenté d’hypotrophie fœtale. Les régimes hypocaloriques, cétogènes, peuvent également affecter le fœtus. Cependant, la perte de poids pendant la grossesse permet de limiter les complications maternelles (diabète, hypertension, prééclampsie, etc.), notamment chez les femmes présentant une obésité morbide. La balance bénéfices/risques n’est donc pas facile à évaluer. Après chirurgie bariatrique • Hypotrophie fœtale La perte de poids après chirurgie bariatrique est plus importante et plus rapide que dans les études analysant l’effet d’une perte de poids modérée par des mesures diététiques ou comportementales. Le risque d’hypotrophie fœtale pourrait donc être majoré. Dans 8 études sur 15, le poids de naissances était plus faible après chirurgie bariatrique et, pour 6 d’entre elles, le risque de macrosomie était diminué, après prise en compte de l’IMC, de l’âge et de la parité. Six études ne trouvaient pas de différence de poids de naissance, alors que 5 études montraient très clairement une augmentation du risque d’hypotrophie fœtale. Ces études n’ont pas tenu compte de l’IMC chez les femmes du groupe témoin. Une récente étude danoise, comparant l’issue d’une série de grossesses survenues pendant la 1re année suivant la réalisation d’un GBP (n = 158) à une série de grossesses plus tardives (n = 128), ne montre aucune différence significative quant au risque pour l’enfant ou pour la mère. Dans cette même série, le risque d’hypotrophie foetale est 2,3 fois plus important que chez des femmes non opérées, comme cela est décrit dans d’autres séries rétrospectives récentes. Il semble donc qu’il y ait un risque réel d’hypotrophie foetale après chirurgie bariatrique, que la grossesse ait lieu pendant ou après la phase d’amaigrissement. • Risques de malformations congénitales Une étude montre une augmentation du risque de malformations congénitales qui était 2,5 fois plus important après chirurgie bariatrique (OR = 2,5 [1,2-5,1] sur 507 grossesses vs 301 chez des  candidates à la chirurgie). Cependant, 6 études comportant un nombre de sujets de 24 à 298 ne retrouvent pas de différence. De nombreux cas d’anomalie de fermeture du tube neural ont été rapportés après chirurgie bariatrique, ce qui justifie d’être vigilant quant au risque de carences nutritionnelles, notamment en folates et vitamine B12, très fréquentes après GBP. • Risques de fausse couche Deux études rétrospectives rapportent un risque équivalent ou légèrement diminué de fausses couches avant ou après shunt bilio-pancréatique (21,6 % vs 26 % et 17 % vs 11 %). Conclusion Les recommandations nationales ou internationales préconisent d’éviter toute grossesse pendant la phase d’amaigrissement jusqu’à stabilisation du poids. Le suivi d’une contraception efficace est donc fortement recommandé après chirurgie bariatrique. Par ailleurs, le suivi nutritionnel de ces patientes est particulièrement important avant et pendant la grossesse, afin d’éviter, notamment, le risque d’hypotrophie fœtale et de carences spécifiques pouvant avoir des répercussions sur la croissance et la formation fœtales.      

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