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Cancérologie

Publié le 07 juin 2015Lecture 8 min

Place de l’enquête génétique et de la chirurgie prophylactique du cancer de l’ovaire

C. SENECHAL, Service d’onco-génétique, Insitut Curie, Paris

Il existe deux principales prédispositions génétiques au cancer de l’ovaire. Le syndrome sein-ovaire, par mutation des gènes BRCA1/2, pour lequel une annexectomie prophylactique est recommandée pour la prise en charge du risque ovarien ; le syndrome de Lynch (prédis position au cancer du côlon et de l’utérus) pour lequel une hystérectomie totale et une ovariectomie prophylactique doivent être envisagées. Pour les patientes qui ne sont pas prêtes à la réalisation de l’annexectomie prophylactique, une alternative est actuellement proposée en France dans le cadre d’un protocole : la fimbriectomie radicale. En l’absence de prédisposition génétique identifiée, lorsque les familles présentent uniquement des cas de cancers du sein, il n’y a pas d’indication de chirurgie ovarienne prophylactique, il n’y a pas de sur-risque de cancer de l’ovaire retrouvé.

En revanche, un apparenté au premier degré d’un cancer de l’ovaire, dans les familles sans mutation identifiée a un sur-risque de développer un cancer de l’ovaire, justifiant la réalisation d’une chirurgie annexielle prophylactique à discuter au cas par cas.   Indications de consultation en oncogénétique L’oncogénétique concerne les prédispositions familiales au cancer. La première recherche de mutation familiale doit être idéalement effectuée chez le cas le plus évocateur (cancer à un âge jeune, forme anatomopathologique particulière, etc.), il est alors le cas index familial. En l’absence de personne vivante atteinte, disponible dans la famille, la recherche peut être parfois effectuée chez une personne indemne. Néanmoins, l’analyse d’un résultat négatif (sans mutation retrouvée) est délicate et ne permet pas d’expliquer l’histoire familiale. Devant un cancer de l’ovaire, les indications de recherche d’une mutation de BRCA1/2et donc de consultation d’oncogénétique sont larges. Les mutations de BRCA1/2 représentent 5 à 15 % de l’ensemble des cancers de l’ovaire, et 2 à 4 % des cancers du sein. Dans une famille où il existe des cas de cancer du sein et de cancer de l’ovaire, une mutation de BRCA1/2 est identifiée dans 34 à 84 % des cas ; de même, dans les familles avec deux (ou plus) cancers de l’ovaire, la probabilité d’identification d’une mutation varie de 27 à 63 %. Cette grande variabilité dépend évidemment du nombre de cas et des âges de survenue. Le syndrome de Lynch doit aussi être évoqué devant tout cancer de l’ovaire. Une exploration somatique à la recherche d’une instabilité des microsatellites (phénotype RER et perte d’expression des protéines MMR en IHC) doit être demandée à l’anatomopathologiste devant toute femme atteinte de cancer de l’ovaire, de moins de 61 ans, ou lorsqu’il existe un apparenté au cancer de l’ovaire ayant développé un cancer du spectre du syndrome de Lynch (côlon, rectum, endomètre, ovaire, estomac, intestin grêle, haut appareil urinaire, voies biliaires, pancréas). Une consultation d’oncogénétique doit être proposée devant une instabilité des microsatellites de la tumeur.   Prise en charge du risque ovarien en cas de mutation BRCA1/2 identifiée En cas de mutation des gènes BRCA1/2 identifiée, la probabilité de développer un cancer de l’ovaire est très augmentée. Pour BRCA1, le risque de développer un cancer de l’ovaire à 70 ans est évalué à 40 % ; pour BRCA2, ce risque est évalué entre 11 et 18 %. Les tumeurs de l’ovaire développées chez les femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou BRCA2sont souvent des adénocarcinomes peu différenciés de haut grade nucléaire. Les adénocarcinomes papillaires séreux sont les plus fréquents, 44 % des BRCA1 et 48 % des BRCA2. Les types endométrioïdes représentent 36 % des cancers de l’ovaire BRCA1 et 38 % de ceux BRCA2. Les types mucineux sont sous-représentés mais existent néanmoins pour 3 % des BRCA1 et 5 % des BRCA2. Il existe des recommandations de prise en charge du risque mammaire et ovarien chez les patientes porteuses d’une mutation de BRCA1ou BRCA2 publiées par l’INCa. Celles-ci recommandent « l’annexectomie prophylactique à partir de 40 ans… L’âge de l’intervention peut être modulé en fonction du gène altéré, de l’histoire familiale… ». Pour le dépistage pelvien, une surveillance clinique et échographique (échographie pelvienne par voie endo-vaginale) doit être effectuée tous les ans à partir de l’âge de 35 ans. L’Institut Curie et l’Institut Gustave-Roussy ont publié des référentiels de prise en charge des femmes porteuses d’une mutation des gènes BRCA1/2. Cette intervention est recevable dès 35 ans, une fois le projet parental accompli. L’âge de recommandation de l’annexectomie reste adapté au cas par cas, notamment lorsqu’il existe des cas de cancers de l’ovaire précoces rapportés dans la famille. L’intérêt de l’annexectomie prophylactique chez les femmes mutées BRCA1/2 est majeur. Il a été démontré une réduction de la mortalité à 70 ans toutes causes, d’environ 65 % (HR = 0,31 dans l’étude de A.P. Finch et coll.(1) et HR = 0,40 dans l’étude de S.M. Domchek et coll.(2)). Cette réduction de la mortalité concerne, évidemment, la mortalité spécifique par cancer de l’ovaire mais aussi la mortalité spécifique par cancer du sein (HR 0,21 et HR 0,44, respectivement, dans l’étude de Domchek).   Le protocole fimbriectomie Ce protocole français est un PHRC accepté en 2011, conduit par l’équipe d’Éric Leblanc, à l’Institut Oscar-Lambret (Lille). Cette étude interventionnelle, de phase II multicentrique, se base sur l’hypothèse de l’origine tubaire des cancers de l’ovaire de type II regroupés dans l’entité « carcinomes séreux pelviens », ne présageant pas de l’origine ovarienne, tubaire, ou péritonéale primitive. La plupart des tumeurs pelviennes survenant dans le cadre de BRCA1/2 sont de type II. Ce protocole propose chez les femmes de plus de 35 ans, mutées BRCA1/2 (ou issues d’une famille sein-ovaire documentée) qui refusent la recommandation d’annexectomie prophylactique, la résection chirurgicale de la trompe et de son pavillon, dans un premier temps, afin de préserver la fonction ovarienne. Dans un deuxième temps, à 50 ans ou à la ménopause, le geste chirurgical prophylactique doit être complété par une ovariectomie bilatérale.   Prise en charge du risque ovarien dans le cadre du syndrome de Lynch Dans le syndrome de Lynch, ou HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colon Cancer), la prédisposition au cancer du côlon s’accompagne d’une prédisposition au cancer de l’endomètre et au cancer de l’ovaire. Le risque carcinologique est plus important pour le côlon et l’endomètre, mais le risque ovarien n’est pas négligeable. Le risque cumulé à 70 ans est de 31 % et 33 % pour le cancer du côlon et de l’endomètre respectivement ; pour le cancer de l’ovaire, il est évalué à 9 %, mais est variable en fonction du gène impliqué. En effet, dans les syndromes de Lynch liés à MLH1et MSH2,le risque ovarien est de respectivement 20 % et 24 % contre 1 % pour MSH6 (étude ERISCAM(3)). Les recommandations de prise en charge éditées par l’INCa proposent la chirurgie prophylactique : « L’hystérectomie avec ovariectomie prophylactique peut être envisagée chez les femmes porteuses d’une mutation MMR après accomplissement du projet parental ». Cela concerne évidemment la prévention du risque endométrial et ovarien.   Prise en charge du risque ovarien en l’absence de prédisposition génétique identifiée La plupart des patientes adressées en oncogénétique, devant l’agrégation de cancer du sein et/ou de l’ovaire, ne sont pas porteuses d’une prédisposition génétique majeure liée à BRCA1/2. Néanmoins, la question de la prévention du risque ovarien et mammaire persiste. Pour la prise en charge du risque ovarien, celleci diffère en fonction de l’existence ou non de cas de cancers de l’ovaire dans la famille.   Familles « sein-seul » Dans les familles où il a été observé une agrégation seulement de cancer du sein, quelle que soit la sévérité du phénotype familial, en l’absence de mutation BRCA1/2 identifiée, il n’y a pas de sur-risque de cancer de l’ovaire décrit. Plusieurs études vont dans ce sens. Il n’y a donc pas de prise en charge spécifique ovarienne à proposer dans ces familles.   Antécédent familial de cancer de l’ovaire Lorsqu’il existe un antécédent de cancer de l’ovaire avant 75 ans au premier degré avec une étude BRCA1/2 négative, le risque relatif de développer un cancer de l’ovaire semble augmenté par rapport à la population générale, notamment pour les filles (RR = 5,12 [1,6515,89]) dans la dernière étude de S. Jervis et coll. publiée dans J Med Geneten 2014(4). L’expertise collective française publiée en 2004 propose : « la chirurgie prophylactique ovarienne ne devrait pas être réalisée en deçà d’un seuil de 2 à 3 % de risque de cancer ». L’INCa propose une attitude au cas par cas, dans les familles sein-ovaires sans mutation identifiée. En pratique, il est important d’obtenir, si possible, une confirmation diagnostique de l’antécédent familial cancer de l’ovaire. On peut, dans les grandes lignes, retenir la recevabilité de l’annexectomie prophylactique en cas d’antécédent confirmé de cancer de l’ovaire de moins de 75 ans au premier degré. Cela doit évidemment être discuté au cas par cas, et être validé en RCP.

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