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Nutrition

Publié le 03 mar 2015Lecture 12 min

Alimentation du couple : effets sur la santé du bébé et de l’adulte

C. FAURE*,**, C. DUPONT*,**,***, N. SERMONDADE*,**, C. HERBEMONT*, M. DURAND*, I. CEDRIN-DURNERIN**,****, R. LEVY*,**/* Service d’histologie-embryologie-cytogénéique-CECOS, Hôpital Jean-Verdier, Bondy, **Unité de recherche en épidémiologie nutriionnelle,

Le statut nutritionnel du couple en désir d’enfant suscite un intérêt récent et croissant. Le surpoids et l’obésité de l’homme et de la femme sont associés à un risque augmenté d’hypofertilité. La qualité de leurs gamètes est également altérée. En assistance médicale à la procréation, un indice de masse corporelle élevé de la femme et de l’homme, de façon indépendante et de façon combinée, semble avoir un impact négatif sur les chances d’obtenir une naissance vivante. Enfin, l’obésité de la mère et du père peut avoir des conséquences sur la santé à long terme des enfants. On parle ainsi d’origines développementales de la santé et des maladies de l’adulte (DOHAD).

Alimentation : état des lieux en France En France, le statut nutritionnel est médiocre, avec de grandes disparités. L’Étude nationale nutrition santé de 2006-2007 souligne une consommation en calcium, en fruits et légumes et en poisson inadéquate. L’étude Nutrinet, quant à elle, note un déséquilibre en micronutriments chez la femme enceinte, avec des carences (vitamines B9, D et fer) ou, au contraire, des excès (rétinol et vitamine E). Enfin, l’étude Alifert, comparant le statut nutritionnel de couples fertiles et infertiles, retrouve des données similaires dans des résultats préliminaires (excès de vitamine A chez les hommes infertiles). Il est donc important d’évaluer la consommation en micronutriments chez les couples en désir d’enfant, car la carence, tout autant que l’excès, pourrait s’avérer délétère pour la fertilité, la conception, l’implantation, le développement embryonnaire et fœtal et la santé future de l’enfant.   Surpoids/obésité Le pourcentage d’adultes mais aussi d’enfants, en surpoids ou obèses, croît de façon importante. La prévalence de l’obésité augmente en France d’environ 0,5 % par an avec un gradient sud-nord. Selon les données de l’étude ObEpi de 2009, une augmentation du surpoids et de l’obésité s’observe en particulier chez les couples en âge de procréer : un tiers des femmes et la moitié des hommes sont en surpoids et 15 % des femmes et des hommes sont obèses (IMC > 30 kg/m²). Quant au pourcentage d’enfants en surpoids ou obèses, il atteignait 3 % en 1965, 16 % en 2000 et approchait 20 % en 2009.   Concept de DOHAD Les conditions nutritionnelles et l’environnement maternel durant la période périconceptionnelle jouent un rôle majeur dans la programmation de la susceptibilité de la descendance à des maladies métaboliques. Cette empreinte nutritionnelle maternelle conditionnerait la programmation du fœtus ainsi que la réponse adaptative prédictive à son environnement qui se manifestera ultérieurement par la survenue de pathologies. Après la naissance, les effets de la programmation fœtale pourraient être potentialisés par le statut nutritionnel néonatal, comme cela a été suggéré par l’hypothèse de Barker. In utero, le fœtus anticiperait son environnement énergétique futur et ajusterait son métabolisme de façon à avoir un phénotype économe(1). Alors que de nombreuses études consacrées à l’empreinte maternelle ont été publiées, le concept d’empreinte paternelle est émergent. Enfin, des études épidémiologiques ont suggéré que l’exposition des grands-pères paternels à la famine pouvait prédisposer les générations suivantes à l’obésité et aux maladies cardiovasculaires. Ces résultats mettent donc en évidence la possibilité de programmation sur plusieurs générations.   Transmission maternelle   Obésité de la mère Selon des études épidémiologiques et expérimentales chez l’animal, la surnutrition et/ou l’obésité maternelle pourraient provoquer chez les descendants une obésité et une intolérance au glucose. Plus l’IMC de la mère est élevé au moment de la grossesse, plus le risque d’avoir un bébé (0 à 9 mois) avec un IMC ≥ 95e percentile augmente et plus l’enfant risque d’avoir une masse grasse importante à 9 ans. Deux études ont rapporté que les enfants/adultes obèses à 11, 16 et 45 ans sont majoritairement nés d’une mère obèse au moment de leur conception. Plusieurs expériences de surnutrition dans différentes espèces animales rapportent une association entre surnutrition maternelle et pathologies métaboliques chez les descendants, incluant une atteinte des fonctions de reproduction. Chez la souris, une obésité induite par un régime hyperlipidique au moment de la conception modifierait, chez les petits, l’expression hépatique de gènes impliqués dans le métabolisme de l’insuline et du glucose. Ces petits présentent aussi une augmentation de l’adiposité du foie et une augmentation de production de cytokines proinflammatoires semblant montrer une prédisposition au syndrome métabolique.   Restriction nutritionnelle maternelle Les études épidémiologiques de Barker ont mis en évidence, chez les individus de petit poids de naissance, une prédisposition au développement du syndrome métabolique à l’âge adulte(2). Cette programmation fœtale a été particulièrement bien étudiée en cas de sous-nutrition maternelle en début, milieu ou fin de grossesse, lors de la famine hollandaise de l’hiver 1944-1945, avec la survenue de pathologies distinctes selon la période d’exposition(3). Une expérience de restriction protéique durant la gestation des rates fait apparaître chez les petits (1re génération) une hypertension artérielle et une diminution du nombre de néphrons malgré un régime rééquilibré dès l’allaitement. Lorsque ces petits, devenus adultes, se reproduisent, leurs descendants (2e génération) présentent les mêmes anomalies. Il semble donc qu’une restriction protéique in utero jouerait un rôle déterminant dans la régulation de la pression artérielle et du nombre de néphrons sur deux générations au moins.   Carences vitaminiques de la mère durant la grossesse La plupart des micronutriments doivent être apportés par l’alimentation. Ils sont impliqués dans la gamétogenèse, mais également dans le développement embryonnaire. Leurs carences peuvent avoir des conséquences défavorables sur la santé du futur enfant.  Vitamine A Sur une cohorte californienne suivie pendant 17 ans, il a été montré une augmentation du risque de schizophrénie multiplié par 3 si la mère présentait une carence en vitamine A pendant la grossesse(4). Une étude récente rapporte une diminution du volume rénal des nouveau-nés de mères carencées en vitamine A pendant la grossesse.  Vitamine D De nombreuses études ont montré un effet délétère d’une carence en vitamine D chez la mère durant la grossesse, notamment une augmentation du risque de prééclampsie ou une augmentation du risque de diabète gestationnel.  Vitamine B12 Chez le mouton, une carence maternelle en vitamine B12 préconceptionnelle a un impact négatif sur la fonction immunitaire, l’adiposité et la tolérance au glucose des petits mâles devenus adultes (bien qu’aucun effet n’ait été observé sur le poids à la naissance ou sur la taille de la portée)(5). Chez le rat, une carence maternelle en vitamine B12 pendant la grossesse et la lactation est associée à une diminution des cellules spermatiques du raton par atteinte du développement des tubes séminifères.  Vitamine B9 L’acide folique intervient dans la synthèse de l’ADN et dans la méthylation de l’ADN en agissant comme donneur de groupement méthyle. Un déficit en folates a pour conséquences une baisse de la synthèse d’ADN et une diminution des divisions cellulaires. Une augmentation du risque de défauts de fermeture du tube neural a été observée en cas de déficit en folates en début de grossesse. Ce risque diminue avec une supplémentation en folates adéquate (400 µg/j avant le début de la grossesse). Un déséquilibre en acide folique pendant la période périconceptionnelle est également associé à des atteintes épigénétiques chez les enfants avec, par exemple, une altération de l’expression d’un facteur de croissance, l’IGF2, pouvant conduire à des effets à long terme(6).    Excès vitaminiques de la mère durant la grossesse Un excès en vitamines chez la mère peut aussi être délétère pour la santé des enfants.  Vitamine B12 La supplémentation de souris gestantes en vitamine B12 augmente le stress oxydant chez les petits, avec toxicité au niveau des reins, du foie et des poumons, ainsi qu’une modification du comportement des petits (stress oxydant au niveau de l’hippocampe). Chez la femme, des taux élevés de vitamine B12 pendant la grossesse seraient associés à une augmentation du risque de dermatite atopique des enfants.   Vitamine B9 Une supplémentation de la souris gestante en dose excessive et prolongée d’acide folique montre des effets délétères sur l’embryon, avec anomalies du tube neural et du développement cardiaque du fœtus (épaississement de la paroi du ventricule). Une supplémentation maternelle inappropriée en acide folique semble être délétère pour la santé de la descendance à long terme. Une augmentation de l’incidence des adénocarcinomes mammaires, plus précoces et plus agressifs, a ainsi été observée chez les rats dont les mères ont reçu un excès d’acide folique pendant la gestation(7).  Vitamine E Chez la femme, un excès de vitamine E de la mère en période périconceptionnelle (par l’alimentation ou par compléments alimentaires : apport journalier > 14,9 mg) serait associé à un risque multiplié par 9 de malformation cardiaque de l’enfant. Une autre étude montrait que l’excès de vitamine E pendant la grossesse altèrerait la fonction placentaire, avec une restriction de la croissance fœtale.    Vitamine D Un excès de vitamine D chez la mère pendant la grossesse se traduirait par une hypercalcémie avec morbidité fœtale, mort fœtale in utero et sténose aortique du bébé. Des expériences animales ont, elles aussi, montré que de fortes doses de vitamine D durant la gestation entraîneraient une calcification du placenta, des petits avec des anomalies craniofaciales, des anomalies au niveau de l’aorte ou une ostéogenèse imparfaite.  Mulivitamines Chez les petits de souris supplémentées par un complexe multivitaminique (B1, B2, B8, B9, B12, E, A, D et K) durant la gestation, il a été observé une altération du système sérotonine hypothalamique impliqué dans la régulation de la prise alimentaire (les petits de mères supplémentées mangent moins et ont un choix alimentaire orienté vers plus de glucides et moins de protéines par rapport aux petits de mères non supplémentées).   Transmission paternelle    Obésité du père Lorsque le père est obèse au moment de la conception, l’enfant aurait plus de risque d’être obèse à 11 ans ; l’association se maintient à 45 ans. Chez le rat, lorsque le mâle est obèse (après régime hyperlipidique) à la conception, les descendants femelles présentent une résistance à l’insuline ainsi qu’une diminution du volume des îlots des cellules bêtapancréatiques. Au niveau épigénétique, une modification de l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme du glucose et de l’insuline a été observée chez ces descendantes. Cela implique la transmission de marques épigénétiques liées à l’environnement paternel préconceptionnel, via les gamètes mâles, et souligne le rôle du père dans la survenue de maladies de l’enfant devenu adulte. Restriction protéique du père Le jeûne de souris mâles avant la conception entraînerait une diminution de la glycémie et de la concentration en corticostéroïdes chez les petits des deux sexes. Une autre expérience chez la souris montre que les petits de mâles soumis à un régime hypoprotéiné à la conception présentent un profil d’expression altéré de nombreux gènes hépatiques impliqués dans la synthèse du cholestérol et des lipides(8).   Transmission par le père d’un héritage maternel Lorsque des souris mâles ont subi une dénutrition in utero, leurs descendants présentent un petit poids de naissance, une intolérance au glucose et une augmentation du développement adipocytaire prédisposant à une obésité future(9). De même, une étude observationnelle chez l’homme, sur deux générations, a montré que lorsque le grand-père paternel avait subi une privation nutritionnelle avant sa puberté, les petits-fils avaient un risque augmenté de maladies cardiovasculaires.   Conclusion L’alimentation maternelle et paternelle peut avoir un impact sur la fertilité, mais également des effets à long terme sur la santé des enfants, voire sur les générations futures. Peu d’études chez l’homme ont évalué l’impact des nutriments, vitamines ou minéraux sur la santé des descendants, mais les études chez l’animal soulignent l’importance d’une alimentation adéquate et équilibrée. Certains régimes alimentaires déséquilibrés des parents (carence ou excès en macro- ou micronutriments) semblent associés à une augmentation des risques pour le futur enfant. L’éducation alimentaire doit donc être une priorité avant la conception, pour la femme et pour l’homme. Les mécanismes de programmation fœtale ne sont pas encore tous élucidés, mais le stress oxydatif et les modifications épigénétiques semblent tenir un rôle important dans ces processus.

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