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Infertilité

Publié le 16 avr 2014Lecture 12 min

Don d’ovocytes et double don, l’expérience espagnole

F. POISOT, V. VERNAEVE - Clínica Eugin, Barcelone, Espagne
Le don d’ovocytes (DO) est une technique connue depuis une trentaine d’années qui permet d’obtenir un taux de grossesses dans 60 % des cas, indépendamment de son indication. Le DO représente aujourd’hui 10 % des traitements d’assistance médicale à la procréation dans le monde. La législation en la matière est très différente d’un pays à l’autre, favorisant l’AMP transfrontalière. L’Espagne est le leader européen en matière de DO et réalise environ 50 % des DO pratiqués en Europe.
En Espagne, le don est régi par une loi très claire et spécifique : il se doit d’être anonyme, gratuit et altruiste. Cette spécificité espagnole s’explique par une politique de santé très orientée sur le don d’organes. En Espagne, le double don de gamètes (DD) ainsi que l’accueil d’embryons sont aussi autorisés. Ils sont d’indications plus rares et très peu évalués dans la littérature. Les bénéficiaires de cette technique sont les couples en échec de traitements d’infertilité et les femmes seules ou homosexuelles en insuffisance ovarienne. En 10 ans d’expérience, la clinique a réalisé 1 139 cycles de DD. C’est un traitement efficace qui présente un taux de grossesses équivalent aux DO (taux de grossesses évolutives de 50 % et taux d’accouchements de 40 %), et ce, quelles que soient les antécédents de la patiente et ses histoires personnelles. Ce sont, à l’heure actuelle, les techniques de reproduction assistée qui offrent le plus de probabilités de succès. Pourquoi l’Espagne ? L’Espagne est un des pays européens ayant acquis une place privilégiée en termes de médecine de la reproduction. Deux patients étrangers sur trois y bénéficient d’un don de sperme ou d’ovocytes. L’Espagne réalise notamment la moitié des DO d’Europe. À la clinque Eugin, 3 000 cycles de dons d’ovocytes ont été réalisés en 2012. Soixante pour cent de la patientèle y est étrangère. Cette position spécifique de l’Espagne peut s’expliquer tout d’abord par le fait que c’est le leader mondial en matière de transplantion d’organes par habitant depuis ces vingt dernières années. On compte 35,3 donneurs par million d’habitants, avec un total en 2011 de 1 667 dons, aboutissant à 4 218 transplantations. Fort de ce succès, le ministère de la Santé continue d’encourager tout citoyen à faire un don. Par exemple, 25 % des dons de reins proviennent de donneurs vivants anonymes et 85 % des familles font don à la médecine des organes de leur défunt. Les dons de gamètes ne font donc que s’intégrer dans cette politique de donation d’organes.   Les aspects légaux Bien évidemment, ces procédures sont rigoureusement encadrées. La législation espagnole s’appuie sur la dernière directive européenne de février 2006 concernant les exigences techniques relatives au don, à l’obtention et au contrôle de tissus et de cellules d’origine humaine. Elle est établie par le décret royal de novembre 2006. Le don de gamètes est défini de manière anonyme, volontaire et altruiste. Il ne peut donner lieu à une rémunération. En revanche, les donneurs peuvent recevoir une compensation destinée à couvrir les frais et inconvénients engendrés par la technique de don. Ce dédommagement doit être limité à l’indemnisation des préjudices engendrés. Outre le décret royal, une loi spécifique portant sur les techniques de reproduction assistée (mai 2006) précise notamment les conditions d’exercice des traitements d’AMP et insiste sur l’information des patients, leur consentement éclairé et l’acceptabilité de ces techniques moyennant leur absence de risque grave tant pour la santé physique que pour la santé psychique de la femme et de sa descendance. Enfin, chaque région d’Espagne a ses propres spécificités. Par exemple, les cliniques de Barcelone suivent aussi les recommandations édictées par le comité d’éthique de Catalogne.   Prise en charge des donneuses En application des lois précédemment citées, la stimulation des donneuses dans le cadre d’un DO se doit d’être sûre, satisfaisante et simple. • Elles ont en pratique entre 18 et 35 ans. • Avant toute tentative, elles sont évaluées par différents professionnels de santé. • Une analyse exhaustive de leurs antécédents personnels et familiaux est requise. • Elles se soumettent, entre autres, à un dépistage des maladies infectieuses et à une étude génétique, afin de limiter tout risque de transmission à la descendance. • Le suivi des enfants issus de don est ensuite de la responsabilité de chaque centre. Le protocole de stimulation ovarienne des donneuses est, dans la grande majorité des cas, de type de antagoniste avec un déclenchement par agoniste afin de limiter au maximum le risque d’hyperstimulation(1). L’objectif de la stimulation est d’obtenir un nombre suffisant d’ovocytes pour donner le maximum de chances de grossesse à la patiente receveuse, sans prendre de risque pour la donneuse. Par ailleurs, il a été prouvé que ce type de traitement permet de diminuer le nombre total d’injections tout en obtenant d’excellents résultats(2). Le risque de complications pour la donneuse est de 0,35 %(3). Indépendamment de la compensation du préjudice inhérent à la donation, la donneuse en tire un réel bénéfice secondaire : elle a un accès immédiat à un médecin gynécologue ; elle profite d’une consultation de spécialiste, gratuite, de prévention et de dépistage (IST, frottis, vaccination),ainsi que d’information sur son état de santé général, son risque de transmission d’affections génétiques, ainsi que de conseils sur sa sexualité, sa fertilité et sa contraception.   Prise en charge des receveuses Les indications du don d’ovocytes sont variables. Dans un tiers des cas, il s’explique par l’âge avancé de la patiente. Les échecs de fécondation in vitro et les mauvaises réponses occupent un autre tiers des indications. L’insuffisance ovarienne prématurée, les fausses couches à répétition, les causes génétiques et l’endométriose représentent les autres raisons du recours au DO. De manière intéressante, on observe que, quelle qu’en soit l’indication, les chances de grossesse sont similaires, ce qui renforce le rôle prépondérant de la qualité de l’ovocyte jeune dans le succès de l’AMP. Considérant l’activité de la clinique Eugin dans ses dix premières années d’existence, entre 2000 et 2010, 12 529 transferts ont été réalisés, avec en moyenne 2 embryons par transfert, soit exactement 24728 embryons transférés. Le taux de bêta-hCG est positif dans 60 % des cas, avec un taux de grossesses cliniques de 40 % et un taux d'accouchements de 37,3 %. Il faut environ 4 embryons pour un enfant. D’après la loi espagnole, le DO peut être proposé jusqu’à un âge « adéquat ». Compte tenu de l’augmentation des risques obstétricaux avec l’âge, la plupart des centres espagnols le pratiquent jusqu’à 50 ans, si l’état de santé de la patiente le permet, bien sûr, avec des examens complémentaires, notamment cardiovasculaires, à l’appui. La préparation endométriale pour la patiente est très simple et apparentée à un traitement hormonal substitutif ou à un transfert d’embryons congelés. Afin d’augmenter la durée de la fenêtre d’implantation et de faciliter l’organisation des patientes, un blocage du cycle précédent par agoniste retard peut être proposé. Il a alors été démontré que les chances de grossesse restent identiques jusqu’à 7-8 semaines de préparation estrogénique. Le traitement peut être administré par voie orale ou transdermique. Nous avons récemment réalisé une étude comparative et il semblerait que les résultats soient très sensiblement meilleurs si l’on utilise une posologie d’emblée élevée sans modification de dose. Sans que nos résultats soient significatifs, cette tendance nous permet en tout cas de proposer un traitement très simple avec une meilleure observance.   Comment se fait l’attribution d’une donneuse ? Il y a plusieurs façons d’apparier receveuses et donneuses. D’après la loi en vigueur en Espagne, il faut faciliter l’intégration de l’enfant à naître. La donneuse est donc choisie selon les strictes caractéristiques phénotypiques, voire immunologiques, de la receveuse. Dans certaines circonstances spécifiques, des recherches plus exhaustives, notamment génétiques, peuvent être réalisées chez la donneuse. C’est le cas, par exemple, quand le conjoint de la patiente se sait porteur d’un gène de maladie récessive. Une donneuse non transmettrice est alors attribuée au couple pour éviter tout risque à la descendance. La gestion d’un programme de don dans un centre qui réalise des milliers de cycles par an nécessite une organisation rigoureuse. Il existe, en pratique, trois façons de procéder à l’appariement. • Dans l’exemple précédent, où une donneuse est spécifiquement choisie pour une receveuse, l’appariement est dit « synchrone », c’est-à-dire que donneuse et receveuse font leur traitement respectif de manière simultanée afin d’être prêtes en même temps. Cette méthode présente un inconvénient non négligeable en cas d’annulation : le cycle de la patiente receveuse est tributaire du succès de la ponction de cette donneuse. De la même manière, l’annulation inopinée du cycle par la receveuse contraint la donneuse à une stimulation pour rien. • Pour éviter l’interdépendance de la donneuse et de la receveuse, on procède, hors cas particulier, à un appariement dit « semi-synchrone » : plusieurs donneuses présentent les mêmes caractéristiques physiques que les receveuses, toutes sont stimulées en même temps, ce qui permet de parer les préjudices respectifs en cas d’annulations. Bien évidemment, ce type d’appariement n’est possible qu’en cas de programme de don sans pénurie de donneuses. • Enfin, ce problème d’interdépendance temporelle des donneuses et des receveuses ne devrait bientôt plus exister, grâce à la vitrification ovocytaire. Le cycle de la donneuse peut être réalisé à tout moment, ses ovocytes étant congelés et conservés dans d’excellentes conditions de préservation jusqu’à utilisation ultérieure. Il semble logique de constituer à partir de maintenant des banques d’ovocytes comme il existe déjà des banques de sperme.   Cas particulier du double don (DD) Les circonstances du double don de gamètes (sperme et ovocytes) associent finalement les indications du don d’ovocytes (insuffisance ovarienne prématurée ou non, échec de FIV, causes génétiques) à celles du don de sperme. En France, le DD n’est pas autorisé et, à défaut, ces couples se voient proposer un accueil d’embryon. Le DD est une solution qui offre les chances de succès d’un transfert d’embryons frais et non congelés, créés par ailleurs selon les caractéristiques physiques de chacun de membres du couple. Dans les pays autorisant le don de sperme aux femmes seules ou en couple homosexuel, le DD est aussi une alternative en cas d’indication de DO. La littérature médicale est quasi inexistante sur le sujet et sa pratique est, si ce n’est fréquente, à tout le moins courante. Il nous a semblé intéressant d’analyser ce type de traitement afin de relever quels en étaient les indications et les résultats. Nous avons repris, de manière rétrospective, tous les DD réalisés à la clinique Eugin entre janvier 2001 et août 2010 : 1 139 cycles ont été dénombrés. Ce type de traitement bénéficie : –  dans 50 % des cas aux femmes seules ; –  dans 40 % des cas aux couples hétérosexuels ; dans moins de 10 % des cas aux couples homosexuels. Le tableau reprend les résultats de la population. Les patientes ont en moyenne 42 ans. Les femmes seules sont significativement plus âgées que celles en couple (homo ou hétérosexuel). Les couples hétérosexuels ont une plus longue durée d’infertilité préalable, en moyenne de 5 ans contre 2 ans chez la femme seule ou avec une conjointe. Logiquement, plus de 4 couples hétérosexuels sur 5 ont déjà eu recours à des traitements d’AMP. Dans 80 % des cas, 2embryons ont été transférés. Sur les 1 139 cycles réalisés, 100 ont été perdus de vue. Le taux de grossesses évolutives est de 50 % (figure 1) et celui d’accouchements au-delà de 37 se maines d’aménorrhée de 40 %, et ce, quelle que soit la situation de couple de la patiente (figure 2). Figure 1. Taux de grossesses en double don en fonction du statut conjugal. Figure 2. Évolution de la grossesse en fonction du statut conjugal. Plus de 400 femmes ont ainsi pu réaliser leur projet parental. Un quart d’entre elles ont accouché par césarienne. Le taux de grossesses gémellaires était de 20 % dans le groupe de femmes seules et de 30 % chez les femmes en couple. Pour conclure, en 10 ans, plus d’un millier de patientes ont bénéficié d’un double don de gamètes. Il s’agit d’une démarche de couple dans 90 % des cas. Les résultats en termes de grossesse sont équivalents à ceux du don d’ovocytes. Il reste à évaluer le bien-être de ces enfants, mais cette technique est sûre et efficace.   Conclusion L’Espagne est le pays leader en matière de don. Il ne faut pas oublier que cette politique de santé à pour but de promouvoir la natalité et le renouvellement de la population vieillissante dans une société où l’âge des parturientes ne cesse d’augmenter. Le don de gamètes est strictement encadré par une législation qui s’appuie sur les directives de l’Union européenne selon le respect des recommandations des sociétés savantes (ESHRE, ASMR).

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